Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine : DORS/2024-113

La Gazette du Canada, Partie II, volume 158, numéro 13

Enregistrement
DORS/2024-113 Le 31 mai 2024

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2024-624 Le 31 mai 2024

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation en Ukraine constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui a entraîné une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu de l’alinéa 4(1)a)référence a et des paragraphes 4(1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine

Modification

1 La partie 1 de l’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine référence 1 est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

2 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

3 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

De hauts dirigeants du régime de l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, leurs associés et des membres de leur famille se sont livrés à des activités qui, directement ou indirectement, facilitent, soutiennent ou financent la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ou y contribuent, dans le contexte de la guerre d’agression que mène actuellement la Russie contre l’Ukraine.

Contexte

En novembre 2013, en raison de pressions directes de la Russie et de son président, Vladimir Poutine, le président ukrainien d’alors, Viktor Ianoukovitch, a refusé de signer un accord d’association historique entre l’Ukraine et l’Union européenne. La décision de Ianoukovitch a entraîné d’énormes manifestations à Kyiv, appelées l’Euromaïdan et la Révolution de la dignité, qui ont provoqué la chute du gouvernement Ianoukovitch.

En tant que président prorusse, Ianoukovitch a laissé en héritage un recul de la démocratie, une corruption profonde et une intégration plus étroite avec la Russie. Après sa destitution, des rapports ont fait surface selon lesquels Ianoukovitch avait intentionnellement affaibli les forces armées de l’Ukraine et d’autres organes de sécurité pendant qu’il était au pouvoir. Il a notamment fermé les yeux sur les activités d’agents russes travaillant en Ukraine, désarmé les capacités de contre-espionnage ukrainiennes et signé des contrats de défense non rentables avec la Russie. Dès 2013, l’administration Ianoukovitch a été avertie des projets d’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais aucune mesure n’a été prise. En 2014, la Russie a profité de la corruption, des troubles et des manifestations. Des soldats russes sont apparus en Ukraine, prenant le contrôle total de la péninsule de Crimée et encourageant les forces séparatistes à Louhansk et à Donetsk.

Tous les actes et l’inaction de l’administration Ianoukovitch ont affaibli tout moyen de dissuasion que l’Ukraine aurait pu présenter à la Russie et ont ouvert la voie à l’invasion illégale de l’Ukraine en 2022 et à son occupation actuelle par les Russes. À la suite des manifestations de l’Euromaïdan et de la Révolution de la dignité (Maïdan) et de l’invasion russe de 2014, les membres du gouvernement de l’ancien président, Viktor Ianoukovitch, et leur famille se sont réfugiés à l’étranger – y compris en Russie – pour éviter d’être poursuivis en Ukraine pour atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, corruption et violations des droits de la personne.

Le 24 février 2022, le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé « une opération militaire spéciale » alors que les forces russes lançaient une invasion à grande échelle de l’Ukraine à partir des territoires russe et biélorusse. Cette opération se poursuit en mai 2024, et de violents combats se poursuivent dans l’est et le sud de l’Ukraine. Dans le cadre de sa stratégie militaire, la Russie continue de tirer des missiles et de lancer des attaques de drones kamikazes contre des infrastructures civiles essentielles. En février 2024, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine a confirmé qu’au moins 10 000 civils avaient été tués et que 20 000 avaient été blessés depuis le 24 février 2022. En outre, 444 établissements médicaux et 1 055 établissements d’enseignement en Ukraine ont été endommagés ou détruits par l’armée russe depuis l’invasion.

Réponse internationale

La coalition des pays qui appuient l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion illégale de la Russie comprend, sans s’y limiter, le G7, l’Union européenne et plusieurs pays européens voisins de l’Ukraine, l’Australie, le Japon, la République de Corée, et la Nouvelle-Zélande. Ce groupe agit pour soutenir l’Ukraine dans plusieurs domaines, notamment la sécurité énergétique, la sûreté nucléaire, la sécurité alimentaire, l’aide humanitaire, la lutte contre la désinformation russe, les sanctions et les mesures économiques, la saisie et la confiscation d’actifs, l’aide militaire, la responsabilisation, le rétablissement et la reconstruction. Le Canada et les pays du G7 mènent des efforts diplomatiques auprès du reste de la communauté internationale afin de rallier des appuis en faveur de l’Ukraine et de contrer les faux discours russes. Des votes très importants tenus dans des instances multilatérales ont eu pour effet d’isoler la Russie, notamment l’adoption de résolutions à l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) pour condamner l’agression russe contre l’Ukraine (mars 2022), déplorer les conséquences humanitaires de cette agression (mars 2022), suspendre la participation de la Russie au Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies (avril 2022), condamner l’annexion illégale par la Russie de territoires ukrainiens (octobre 2022), ainsi que les Principes de la Charte des Nations Unies qui sous-tendent une paix globale, juste et durable en Ukraine (février 2023) et la résolution du CDH sur la situation des droits de l’homme en Ukraine résultant de l’agression russe (avril 2023).

Réponse du Canada

À la suite de l’occupation illégale et de la tentative d’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, le gouvernement canadien, en coordination avec ses partenaires et alliés, a imposé des sanctions au moyen du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine (Règlement sur l’Ukraine) pris en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES). Ces sanctions imposent des interdictions d’opérations (un gel effectif des avoirs) aux particuliers et aux entités désignés en Ukraine qui soutiennent ou permettent la violation par la Russie de la souveraineté de l’Ukraine. Il est donc interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger, à l’égard d’une personne désignée, d’effectuer une opération portant sur un bien lui appartenant, de conclure une transaction avec elle, de lui fournir des services ou par ailleurs de mettre des marchandises à sa disposition. En coordination avec ses partenaires internationaux, le Canada a imposé des sanctions à plus de 3 000 particuliers et entités en Russie, au Bélarus, en Ukraine et en Moldavie qui sont complices de violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de la Moldavie et de violations des droits de la personne. Ces sanctions s’appliquent à l’ancien président ukrainien, Ianoukovitch.

En 2014, les hauts responsables du régime de l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, leurs associés et les membres de leur famille ont été désignés à la demande de l’Ukraine comme étrangers politiquement vulnérables aux termes du Règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus (Ukraine) (DORS/2014-44) conformément à la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ce gel des avoirs a été prolongé pour une période supplémentaire de cinq ans en 2019. Afin de continuer de fournir ce soutien à l’Ukraine, le Canada inscrit maintenant ces personnes en vertu de la LMES en raison de la violation par la Russie de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de l’occupation illégale de la Crimée.

Objectif

  1. Apporter un soutien stratégique à l’Ukraine et à ses efforts de réforme en ciblant les personnes qui ont contribué aux activités de l’administration de Viktor Ianoukovitch et en ont bénéficié, facilitant ainsi l’invasion de l’Ukraine par la Russie;
  2. Imposer des coûts supplémentaires aux soi-disant autorités des régions de l’Ukraine illégalement occupées par les forces russes ou contrôlées par des mandataires soutenus par la Russie pour leur soutien à l’agression et à l’attaque de l’Ukraine par la Russie;
  3. Saper la capacité de la Russie à mener son agression militaire contre l’Ukraine.

Description

Les modifications apportées au Règlement sur l’Ukraine ajoutent 10 particuliers au Règlement, qui sont assujettis à une interdiction générale de transactions. Ces particuliers sont tous liés directement à l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, qui est déjà visé par les sanctions prévues par le Règlement sur l’Ukraine.

Les personnes désignées comprennent d’anciens responsables qui ont été ministres, chefs de bureau, chefs de police et décideurs dont les actions collectives ont conduit au soulèvement connu sous le nom de Maïdan, qui a fait tomber le régime et est devenu un catalyseur des interventions militaires de la Russie en Ukraine. Depuis lors, plusieurs d’entre eux collaborent avec l’État russe soit en facilitant, en soutenant ou en finançant la violation par la Russie de la souveraineté de l’Ukraine ou en y contribuant, en exploitant des entités commerciales dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine, ou en occupant des fonctions dans les régimes d’occupation des territoires temporairement occupés. Les personnes désignées comprennent également des membres influents de la famille de représentants de l’ancien régime, qui restent liés à des intérêts commerciaux opérant dans les territoires temporairement occupés et sapent la souveraineté de l’Ukraine sur ces territoires.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada consulte régulièrement les intervenants pertinents, notamment des organisations de la société civile, des communautés culturelles et des représentants d’autres gouvernements aux vues similaires, pour discuter de l’approche du Canada relative à la mise en œuvre de sanctions.

Concernant ces modifications, des consultations publiques ne seraient pas appropriées, étant donné le risque de fuite d’actifs.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique des modifications a été effectuée et n’a pas permis de déterminer d’obligations découlant de traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une zone de traité moderne.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont les seuls instruments permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être considéré.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

Le coût additionnel, pour le gouvernement du Canada, d’administrer et d’appliquer ces interdictions supplémentaires à plus de 3 000 personnes déjà visées par des sanctions en lien avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie est minime. Les sanctions visant des particuliers précis ont moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques habituelles à grande échelle, et ont un impact limité sur les citoyens du pays des entités et des particuliers désignés. Une évaluation initiale d’informations disponibles en source ouverte permet d’estimer que les personnes désignées ont des liens limités avec le Canada et qu’elles n’ont donc pas de relations d’affaires importantes pour l’économie canadienne.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Pour ce faire, elles ajouteront les nouveaux particuliers désignés à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de mise en conformité.

Lentille des petites entreprises

En ce qui a trait aux personnes désignées au titre du Règlement sur l’Ukraine, l’analyse selon la lentille des petites entreprises a permis de conclure que les modifications réglementaires n’auront aucune incidence sur les petites entreprises canadiennes. Les modifications interdisent aux entreprises canadiennes de traiter avec les personnes désignées dans le Règlement, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition, mais ne créent pas d’obligations à leur égard. Bien que les entreprises canadiennes puissent demander des licences en vertu du Règlement, celles-ci sont accordées à titre exceptionnel, et Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demandes découlant de l’inscription de ces personnes. Par conséquent, il n’y aurait pas de fardeau administratif supplémentaire découlant de cette exigence. Les petites entreprises canadiennes sont également assujetties à l’obligation de divulgation en vertu du Règlement sur l’Ukraine, ce qui représenterait une exigence de conformité directe. Toutefois, étant donné que les particuliers nouvellement désignés ont des liens connus limités avec le Canada, Affaires mondiales Canada ne prévoit aucune divulgation découlant des modifications.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, car il n’y a pas de changement venant accroître le fardeau administratif pour les entreprises. Le processus de délivrance de licences pour les entreprises correspond à la définition de « fardeau administratif » dans la Loi sur la réduction de la paperasse. Toutefois, bien que des licences puissent être octroyées en vertu du Règlement sur l’Ukraine, à titre exceptionnel, étant donné que ces particuliers étaient précédemment visés par le Règlement sur le BBDEC et que plusieurs sont également sanctionnés dans d’autres pays, Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demande de licence découlant des modifications apportées.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient liées ni à un plan de travail ni à un engagement dans le cadre d’un mécanisme officiel de coopération en matière de réglementation, elles s’alignent sur les mesures prises par les partenaires internationaux du Canada. La durée des sanctions imposées par le Canada et ses partenaires aux vues similaires a été explicitement liée au règlement pacifique du conflit et au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières reconnues internationalement, ce qui comprend la Crimée et la mer territoriale de l’Ukraine. Les États du G7, l’Union européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande continuent de mettre à jour leurs régimes de sanctions contre des personnes et des entités en Ukraine et en Russie et d’imposer des interdictions de commerce et d’investissement de grande portée dans les territoires de l’Ukraine actuellement occupés par la Russie.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que le Règlement sur l’Ukraine entraîne des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus

Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur l’égalité des genres et la diversité dans le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des particuliers et des entités dans des États étrangers, les sanctions prises en vertu de la LMES peuvent néanmoins avoir une incidence involontaire sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Au lieu d’avoir un effet sur l’Ukraine dans son ensemble, les sanctions ciblées touchent plutôt les particuliers soupçonnés de mener des activités qui soutiennent, facilitent ou financent, directement ou indirectement, la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ou qui y contribuent. Ainsi, il est peu probable que ces sanctions aient un impact important sur des groupes vulnérables comparativement à des sanctions économiques communes de grande ampleur dirigées contre un État.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur le jour de leur enregistrement.

Du fait de leur désignation dans le Règlement sur l’Ukraine, et conformément à l’application de l’alinéa 35.1b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les personnes désignées seraient interdites de territoire au Canada.

Les noms des entités et des particuliers désignés seront accessibles en ligne pour que les institutions financières puissent en prendre connaissance et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes, ce qui contribuera à faciliter le respect du Règlement sur l’Ukraine.

Le Service des délégués commerciaux du Ministère, présent à l’étranger et au Canada, continue d’aider ses clients à comprendre la réglementation canadienne en matière de sanctions, et notamment les effets du Règlement sur l’Ukraine sur les activités auxquelles des Canadiens pourraient prendre part. Le Ministère intensifie aussi ses campagnes d’information dans tout le pays, y compris auprès des entreprises, des universités et des gouvernements provinciaux et territoriaux, pour faire mieux connaître les sanctions canadiennes et favoriser leur respect.

En vertu de la LMES, les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada ont le pouvoir d’appliquer des sanctions à l’égard de violations en vertu de leurs pouvoirs définis dans la Loi sur les douanes, la Loi sur l’accise ou la Loi de 2001 sur l’accise, et les articles 487 à 490, 491.1 et 491.2 du Code criminel.

Conformément à l’article 8 de la LMES, quiconque contrevient volontairement au Règlement sur l’Ukraine est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an ou des deux; ou encore, par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Personne-ressource

Affaires mondiales Canada
Direction générale des sanctions (PSD)
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
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Téléphone (sans frais) : 1‑833‑352‑0769
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