Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti : DORS/2023-56

La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 8

Enregistrement
DORS/2023-56 Le 23 mars 2023

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2023-257 Le 23 mars 2023

Attendu que la gouverneure en conseil juge qu’un national de la République d’Haïti, qui est un agent public étranger ou une personne qui est associée à un tel agent, est responsable ou complice d’avoir ordonné, supervisé ou dirigé d’une façon quelconque des actes de corruption à grande échelle,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti

Modification

1 La partie 2 de l’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti référence 1 est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

2 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

3 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Les élites haïtiennes utilisent leur position, influence, ressources et association avec des personnalités politiques pour protéger et/ou soutenir les activités de bandes criminelles, notamment par les actes de corruption grave ce qui contribue à la crise humanitaire très grave.

Contexte

Depuis plusieurs années, Haïti est en proie à une crise multidimensionnelle caractérisée par une inflation galopante, une pauvreté chronique, une insécurité alarmante ainsi qu’une impasse politique paralysant la plupart des institutions publiques. Dans ce contexte, les Haïtiens subissent quotidiennement des agressions contre leurs droits de la personne fondamentaux.

Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti (le Règlement) annoncé le 4 novembre 2022, et ses modifications subséquentes permettent au Canada de cibler des sanctions contre des personnes clés qui financent, soutiennent ou profitent des activités de bandes armées. Ces gangs, qui terrorisent et subjuguent la population, opèrent sous la protection de groupes d’intérêts politiques et de chefs d’entreprise et ont délibérément tué, blessé et commis des actes de violence sexuelle pour étendre leur contrôle territorial. L’insécurité demeure avec les gangs gardant le contrôle sur les points stratégiques et encerclant la capitale. Les blocages en automne 2022 ont également intensifié une crise humanitaire existante, caractérisée par la réémergence du choléra et des millions d’Haïtiens souffrant de faim aiguë.

La communauté internationale est saisie de la crise actuelle et prend des mesures pour limiter le flux de soutien financier à ceux qui perpétuent la violence en Haïti, comme en témoigne l’adoption unanime, le 21 octobre 2022, par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), d’une résolution établissant un nouveau régime de sanctions. Le Canada a coordonné étroitement avec les États-Unis l’établissement du régime de sanctions autonome visant à exercer une pression immédiate sur ceux qui soutiennent ou fomentent la violence en Haïti, afin de mettre fin à la violence et de permettre aux autorités haïtiennes de rétablir la loi et l’ordre. Le Canada et les États-Unis ont continué à travailler en étroite collaboration pour renforcer ces mesures, notamment en identifiant des cibles supplémentaires.

Les modifications réglementaires s’alignent sur la politique et les objectifs existants pour faire face à la crise multidimensionnelle en Haïti. Les modifications font également progresser les objectifs politiques axés sur la lutte contre la corruption et l’impunité. Enfin, les modifications réglementaires sont fondées sur des mesures existantes et renforcent ainsi l’engagement indéfectible du Canada à promouvoir le développement et la prospérité de la région et à travailler en collaboration avec la communauté internationale à appuyer les autorités haïtiennes à rétablir la loi et l’ordre.

Objectif

Ces sanctions visent à exercer une pression sur les individus qui ont commis des actes de corruption grave et établi des liens avec des gangs criminels, afin d’entraver le flux de fonds et d’armes illicites vers Haïti, facilité par ces individus.

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti (les modifications) comprendra deux personnes qui seront soumises à une interdiction générale de faire des affaires et seront inadmissibles au Canada. Il y a lieu de croire que les deux personnes désignées, étant parmi les élites économiques et politiques en Haïti, ont commis les actes de corruption grave et ont utilisé leurs influences et ressources pour protéger et/ou soutenir les activités de bandes criminelles, notamment en utilisant la violence pour manipuler les élections et d’autres actes odieux. Ces gangs commettent des violences indicibles et terrorisent les populations vulnérables en toute impunité.

Il est interdit à toute personne ou entité au Canada, ainsi qu’aux Canadiens et aux entités canadiennes à l’étranger, d’effectuer des opérations sur les biens des personnes inscrites sur la liste, de conclure des transactions avec elles, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition. De plus, comme ces personnes sont inscrites sur la liste du Règlement en réponse à des actes de corruption importante, elles sont également interdites au Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés en Haïti, y compris les organisations de la société civile et d’autres gouvernements aux vues similaires, au sujet de l’approche du Canada en matière d’aide internationale en Haïti, y compris la mise en œuvre des sanctions. À titre d’exemple, le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (ECOSOC) sur Haïti et utilise cette plateforme pour élaborer et discuter avec ses alliés des réponses internationales coordonnées aux défis économiques et de développement auxquels le pays est confronté.

En ce qui concerne les modifications visant les individus, une consultation publique n’aurait pas été appropriée, étant donné l’urgence d’imposer ces mesures en réponse à la détérioration de la situation sécuritaire et à la crise humanitaire.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une évaluation initiale de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a permis de cerner aucune obligation découlant de traités modernes, puisque les modifications n’entrent pas en vigueur dans une zone de traité moderne.

Choix de l’instrument

Les règlements sont la seule méthode pour promulguer des sanctions au Canada. Aucun autre instrument n’a pu être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

Les sanctions visant des personnes spécifiques ont moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques générales traditionnelles, et ont un impact limité sur les citoyens du pays des personnes inscrites. Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les personnes nouvellement inscrites sur la liste à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Lentille des petites entreprises

Il est possible que les modifications entraînent des coûts supplémentaires pour les entreprises qui cherchent à obtenir des permis qui les autoriseraient à mener des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites. Étant donné que les sanctions sont ciblées, la probabilité de coûts pour les entreprises est minime, car il est peu probable que les entreprises canadiennes aient ou auront des relations d’affaires avec les personnes nouvellement inscrites. Les modifications ne devraient pas entraîner une perte importante de possibilités pour les petites entreprises.

Règle du « un pour un »

Le processus de délivrance de permis aux entreprises répond à la définition de « fardeau administratif » de la Loi sur la réduction de la paperasse et devrait être calculé et compensé dans un délai de 24 mois. Toutefois, les modifications répondent à une situation d’urgence et sont exemptées de l’obligation de compenser la charge administrative et les titres réglementaires en vertu de la règle du « un pour un ».

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’alignent sur les mesures prises par les alliés du Canada.

Évaluation environnementale stratégique

Les modifications sont peu susceptibles d’entraîner des effets environnementaux importants. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Le sujet des sanctions économiques a déjà été évalué quant à ses effets sur le genre et la diversité. Bien que destinées à faciliter un changement de comportement par le biais de pressions économiques sur des individus et des entités dans des États étrangers, les sanctions prévues par la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) peuvent néanmoins avoir un impact involontaire sur certains groupes et individus vulnérables. Plutôt que d’affecter les Haïtiens dans leur ensemble, ces sanctions ciblées touchent des individus et des entités dont on pense qu’ils sont engagés dans des actes de corruption graves, ce qui alimente la crise humanitaire en Haïti. Par conséquent, ces sanctions sont peu susceptibles d’avoir un impact négatif important sur les groupes vulnérables, par rapport aux sanctions économiques traditionnelles de grande envergure visant un État, et limitent les effets collatéraux aux personnes dépendant des individus ciblés. En outre, ces sanctions sont introduites pour soutenir les populations vulnérables, en particulier les femmes et les jeunes filles, qui continuent de subir quotidiennement des atteintes à leurs droits fondamentaux de la part des bandes criminelles, notamment des violences sexuelles et sexistes.

Justification

Des gangs soutenus par l’élite haïtienne et d’autres ont étendu leur contrôle territorial sur le pays. Plusieurs missions de l’Organisation des Nations Unies ont été déployées au fil des ans pour tenter de soutenir les efforts des autorités haïtiennes en vue de rétablir l’ordre. L’une des principales lacunes des interventions internationales à ce jour a été la mise en place de mesures visant à identifier et à exercer une pression sur ceux qui fournissent un soutien financier et des armes aux gangs criminels afin de promouvoir leurs propres intérêts financiers et/ou politiques, en tirant parti de la corruption endémique et du blanchiment d’argent qui existent dans le pays. Les sanctions, annoncées par le Canada entre novembre 2022 et février 2023, visaient les élites économiques ainsi qu’un certain nombre de politiciens actuels et passés. Il y a lieu de croire que ces personnes, en s’engageant dans les actes de corruptions graves, profitent de l’instabilité créée par la violence actuelle. Les modifications actuelles complètent et renforcent ces mesures en désignant deux autres personnes. Une réponse canadienne soutenue vise à exercer une pression sur ces personnes afin qu’elles changent de comportement et cessent de soutenir les gangs. Les rapports préliminaires indiquent que ces mesures ont déjà eu un impact sur le terrain. En particulier, en réponse à ces mesures, les oligarques et les élites politiques ont démontré, à la fin de l’année dernière, un regain d’intérêt dans le dialogue politique, ce qui a mené à une entente sur un accord politique par plusieurs parties prenantes clés, le 21 décembre 2022. On s’attend à ce que cette réponse continue d’avoir un effet dissuasif sur d’autres personnes qui adoptent ou envisagent un comportement similaire.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur à la date de leur enregistrement.

Les noms des personnes inscrites sur la liste seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent les consulter, et ils seront ajoutés à la Liste canadienne autonome consolidée des sanctions. Cela contribuera à faciliter le respect du Règlement.

Les règlements sur les sanctions du Canada sont appliqués par la Gendarmerie royale du Canada. Conformément à l’article 8 de la LMES, toute personne qui, sciemment, contrevient ou omet de se conformer au Règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’un emprisonnement maximal d’un an, ou des deux; et, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de cinq ans.

L’Agence des services frontaliers du Canada a des pouvoirs d’exécution en vertu de la LMES et de la Loi sur les douanes et jouera un rôle dans l’application de ces sanctions.

Contact

Sébastien Sigouin
Directeur exécutif
Programme d’Haïti
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Téléphone : 343‑548‑7620
Courriel : sebastien.sigouin@international.gc.ca