Décret concernant le blocage de biens situés au Canada (Roman Arkadyevich Abramovich) : DORS/2022-279

La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 1

Enregistrement
DORS/2022-279 15 décembre 2022

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

Décret concernant le blocage de biens situés au Canada (Roman Arkadyevich Abramovich)

C.P. 2022-1361 Le 15 décembre 2022

Attendu que la gouverneure en conseil juge que les actions de la Fédération de Russie constituent une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui entraîne une grave crise internationale;

Attendu que des biens situés au Canada appartiennent à Roman Arkadyevich Abramovich — un national de la Fédération de Russie qui ne réside pas habituellement au Canada —, ou sont détenus ou contrôlés, même indirectement, par lui,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu de l’alinéa 4(1)b)référence a et du paragraphe 4(1.1)référence b de la Loi sur les mesures économiques spécialesréférence c, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil ordonne à Citco Bank Canada de bloquer la somme de 26 073 990,35 de dollars américains appartenant à Roman Arkadyevich Abramovich, ou détenue ou contrôlée, même indirectement, par lui et portée au crédit de tout compte bancaire détenu par Manticore Fund (Cayman) LTD auprès de Citco Bank Canada de façon à ce qu’aucune opération ne puisse être effectuée à l’égard de cette somme.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Décret.)

Enjeux

Veiller à ce que les complices d’un soutien aux régimes qui violent le droit international ne puissent pas profiter de leurs gains illicites.

Contexte

Le 24 février 2022, le président Poutine, sans avoir été provoqué, a ordonné aux forces russes de lancer une invasion complète de l’Ukraine. Cet acte inacceptable constitue une violation flagrante du droit international et de l’ordre international fondé sur des règles. Les attaques ont causé une dévastation généralisée des infrastructures et des biens en Ukraine, ainsi que la mort inutile d’Ukrainiens, notamment de civils. Ces actions, qui poursuivent et accélèrent les mesures violentes prises par la Russie depuis le début de 2014 pour saper la sécurité et la souveraineté de l’Ukraine.

Depuis, pour répondre à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Canada a imposé un nombre considérable de nouvelles sanctions dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES). Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le Règlement visant la Russie) comporte un large éventail de mesures, notamment une interdiction d’effectuer des transactions avec les personnes désignées. À ce jour, plus de 1 500 personnes et entités ont été désignées en application du Règlement visant la Russie pour leur soutien au président Poutine et à sa guerre ou pour leur complicité avec ceux-ci. L’interdiction de transactions prévue par le Règlement visant la Russie interdit à toute personne se trouvant au Canada et à tout Canadien se trouvant à l’étranger d’effectuer une transaction sur des biens, peu importe où ces derniers sont situés, et qu’ils soient détenus par une personne inscrite ou au nom de celle-ci, ou de conclure ou de faciliter une transaction ou de fournir un service financier ou connexe en rapport avec une telle transaction. Il est également interdit de mettre des biens à la disposition d’une personne inscrite ou de fournir un service financier à cette personne ou à son profit.

Régime canadien de saisie et de confiscation des biens

À la suite de la réunion de mars 2022 du Groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes, les ministres des Finances du G7 ont publié une déclaration conjointe soulignant leur engagement à prendre toutes les mesures juridiques disponibles pour trouver, bloquer, geler et, s’il y a lieu, saisir ou confisquer les actifs de personnes et d’entités qui ont été sanctionnées en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cet engagement vise à cibler les actifs des principaux membres des élites et mandataires russes sanctionnés.

Le 23 juin 2022, le Canada a été le premier pays à mettre en œuvre cet engagement du G7 en modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus pour y inclure les pouvoirs permettant au gouvernement de saisir, de confisquer, d’aliéner et de redistribuer des actifs situés au Canada qui appartiennent à des personnes sanctionnées figurant sur la liste prévue par l’un ou l’autre des règlements canadiens sur les sanctions. Depuis l’adoption de ces modifications législatives, un effort pangouvernemental est réalisé pour déterminer et analyser les actifs susceptibles d’être saisis. Dans ce contexte, un bien peut être saisi s’il s’agit d’un bien physique, ou bloqué s’il s’agit d’un bien financier.

Chaque bien dont la saisie (ou le blocage) et la confiscation sont recommandés est évalué au cas par cas. La confiscation d’actifs nécessite un processus en deux étapes. Premièrement, il faut obtenir un décret du gouverneur en conseil prévu par l’alinéa 4(1)b) de la LMES pour saisir ou bloquer tout bien ciblé appartenant à une personne ou à une entité sanctionnée conformément aux critères énoncés au paragraphe 4(1.1) de la loi. Dans ce cas, étant donné que l’actif est incorporel (c’est-à-dire des fonds), l’ordonnance demandée est une ordonnance de blocage. Deuxièmement, une fois que le bien est saisi ou bloqué, le ministre peut demander à une cour de la province où le bien est situé d’ordonner sa confiscation permanente au profit de l’État. Une fois que l’actif est confisqué, le produit de sa vente peut être utilisé pour la reconstruction des États lésés, le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que l’indemnisation des victimes, tel qu’énoncé à l’article 5.6 de la LMES.

Les procédures de confiscation ne sont pas automatiques. L’équité procédurale fait partie intégrante de ce nouveau régime et a été un facteur important dans l’élaboration de cette nouvelle mesure. Les modifications législatives prévoient les garanties procédurales suivantes :

Intervention internationale

Bien que nos alliés aux vues similaires continuent d’étudier leurs options, le Canada est le premier pays à mettre en œuvre cet engagement au moyen de modifications apportées à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus. Les alliés du Canada soutiennent ses efforts à cet égard.

Objectif

  1. Imposer d’autres coûts à la Russie pour son invasion non provoquée et injustifiable de l’Ukraine, notamment par la saisie ou le blocage de biens ciblés appartenant à des personnes sanctionnées, conformément aux déclencheurs énoncés au paragraphe 4(1.1) de la Loi.
  2. Faire clairement comprendre que les complices d’un soutien aux régimes qui violent le droit international ne peuvent plus continuer à en bénéficier.
  3. Des fonds provenant de la confiscation d’actifs peuvent être utilisés pour indemniser les victimes de violations des droits de la personne, rétablir la paix et la sécurité internationales ou reconstruire les États touchés.

Description

En vertu de l’alinéa 4(1)b) de la Loi sur les mesures économiques spéciales, le présent décret retiendrait un paiement bloqué 26 073 990 de dollars américains (environ 33,3 millions de dollars canadiens) situés au Canada. L’ultime propriétaire bénéficiaire de ce versement s’avère être M. Roman Abramovich, une personne désignée en application du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’engage régulièrement avec des parties prenantes concernées, dont des organisations de la société civile, des centres communautaires et d’autres gouvernements aux vues similaires, concernant l’approche du Canada vis-à-vis l’application des sanctions.

Un comité interministériel présidé par Affaires mondiales Canada et le ministère des Finances a été mis sur pied avec le mandat d’examiner et d’analyser les biens susceptibles d’être saisis au Canada, ainsi que de formuler des recommandations dans le cadre des nouveaux pouvoirs canadiens de confiscation d’actifs. Parmi les autres membres du comité figurent Services publics et Approvisionnement Canada, le ministère de la Justice, Sécurité publique Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, Affaires mondiales Canada, la Gendarmerie royale du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Centre de la sécurité des télécommunications et le Bureau du surintendant des institutions financières.

Dans le cas présent, une consultation publique ne serait pas appropriée, compte tenu du risque de fuite des actifs et de l’urgence d’imposer ces mesures en réponse à la violation continue de la paix et de la sécurité internationales en Ukraine.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et consultation des Autochtones

Une évaluation initiale a été réalisée et aucune répercussion sur les traités modernes n’a été cernée.

Choix de l’instrument

Un Décret pris en vertu de l’alinéa 4(1)b) de la Loi sur les mesures économiques spéciales retiendra les biens concernés appartenant à M. Abramovich, et permettra au gouvernement du Canada de demander la confiscation du même bien à un stade ultérieur.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

Étant donné que les actifs ciblés ne concernent pas les Canadiens ou les personnes vivant au Canada, Affaires mondiales Canada s’attend à ce que ces derniers ne soient pas touchés négativement par la saisie ou la confiscation de ces actifs.

À la suite de la confiscation réussie d’actifs, le ministre peut prélever sur le compte des biens saisis des montants destinés à la reconstruction d’un État, au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou à l’indemnisation de victimes, conformément à l’article 5.6 de la LMES. Le Canada est l’un des principaux soutiens à l’Ukraine sur la scène internationale.

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, les sanctions visant la Russie imposées par le Canada ont suscité un grand nombre de demandes de renseignements des médias et une forte couverture médiatique. Par conséquent, les mesures de confiscation d’actifs prises par le Canada ont vivement intéressé les médias, car le Canada est le premier pays du G7 à adopter une telle loi.

Lentille des petites entreprises

Une analyse de la lentille des petites entreprises a permis de conclure que le Décret en question n’aura pas d’impact sur les petites entreprises canadiennes, étant donné que les actifs ciblés ne concernent pas les Canadiens ou les personnes vivant au Canada.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas au présent décret, car celui-ci n’impose pas de nouveau fardeau administratif aux entreprises.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que des alliés aux vues similaires appuient toujours l’initiative du Canada et continuent d’étudier leurs options, le Canada est le premier pays à mettre en œuvre cet engagement au moyen de modifications apportées à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus.

Évaluation environnementale stratégique

Le présent décret est peu susceptible d’entraîner d’importants effets environnementaux. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, un examen préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas requise.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Étant donné que les actifs ciblés ne concernent qu’une personne figurant sur la liste du Règlement visant la Russie, Affaires mondiales Canada ne prévoit aucune incidence sur l’ACS+ dans ce dossier.

Justification

Le régime de saisie et de confiscation des biens est entré en vigueur en juin 2022 pour répondre directement à l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a commencé le 24 février 2022 et constitue une violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine selon le droit international. Alors que le nouveau régime de saisie et de confiscation des avoirs s’applique également à tous les règlements sous la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, le présent décret vise à imposer un coût économique direct aux oligarques et mandataires russes qui ont profité financièrement de leur soutien au régime du président Poutine.

Mise en œuvre, conformité et application, et de normes de service

Le Décret entre en vigueur à la date de son enregistrement. Affaires mondiales Canada informerait ensuite l’institution financière, ainsi que le propriétaire du bien, des conditions dans lesquelles l’ordonnance a été prise. Le mécanisme de conformité et d’application est décrit dans la section « Contexte ».

Personne-ressource

Stephen Burridge
Directeur
Direction de la coordination de la politique et des opérations relatives aux sanctions
Affaires mondiales Canada
Téléphone : 343‑203‑7904