Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie : DORS/2021-237

La Gazette du Canada, Partie II, volume 155, numéro 26

Enregistrement
DORS/2021-237 Le 9 décembre 2021

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2021-1011 Le 9 décembre 2021

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation en Birmanie constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales et est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1) référence a, (1.1) référence b, (2) et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence c, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie

Modifications

1 L’alinéa 18b) du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie référence 1 est remplacé par ce qui suit :

2 La partie 1 de l’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après l’article 54, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le 1er février 2021, sous la direction du général principal Min Aung Hlaing, commandant en chef des Forces armées du Myanmar (Tatmadaw), les militaires du Myanmar ont déclenché un coup d’État militaire contre le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Malgré la condamnation de la communauté internationale, les appels répétés à mettre fin à la violence et les efforts déployés par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour engager le régime dans des dialogues inclusifs en faveur de la paix, le Tatmadaw n’a pas changé de cap. La situation constitue une grave violation de la paix et de la sécurité internationales et une aggravation d’une importante crise nationale, régionale et internationale. L’escalade de la violence, les graves violations des droits de la personne, l’impact humanitaire sur les plus vulnérables, les retombées dans les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence, et l’absence de progrès tangibles vers la paix justifient l’imposition de nouvelles mesures coercitives. En fait, la violence s’intensifie tandis que les allégations de violations flagrantes des droits de la personne ne cessent d’augmenter.

Contexte

Après le coup d’État en février 2021, le Tatmadaw a emprisonné rapidement les dirigeants politiques civils de la LND, les écartant ainsi de la scène politique nationale, ainsi que les militants pro-démocratie, la société civile, les journalistes et les défenseurs des droits de la personne. Une résistance populaire est apparue presque immédiatement, notamment des manifestations nationales de masse et un mouvement de désobéissance civile (Civil Disobedience Movement [CDM]), qui ont tous deux empêché le Tatmadaw de consolider leur pouvoir. Le Tatmadaw et d’autres forces de sécurité ont écrasé sans pitié les manifestations en recourant à une force meurtrière intentionnelle et disproportionnée, ce qui est largement documenté par des vidéos accessibles au public, notamment l’utilisation en direct d’armes automatiques, de fusils de tireur d’élite et d’explosifs contre les manifestants.

Si les protestations ont diminué au cours des mois qui ont suivi le coup d’État, l’opposition armée contre le Tatmadaw s’est organisée et a proliféré dans la majeure partie du pays. Des milices civiles connues sous le nom de Forces de défense du peuple (FDP) ont été formées au niveau local et se comptent désormais par centaines. Ces groupes mènent une campagne de guérilla, procédant à des assassinats ciblés et à des bombardements de responsables civils et d’infrastructures liés au Tatmadaw. Les organisations ethniques armées (OEA) qui luttent depuis des années contre le Tatmadaw continuent de se battre. L’opposition politique disparate s’est formée autour d’un gouvernement d’unité nationale (National Unity Government [NUG]), lequel cherche à obtenir une reconnaissance internationale. L’opposition politique du gouvernement d’unité nationale s’oriente de plus en plus vers une opposition armée, car elle cherche à former une structure de commandement et de contrôle pour coordonner les centaines de FDP et mettre sur pied ses propres forces armées.

En outre, le Tatmadaw continue la violence systématique à l’encontre de la population civile, notamment des arrestations arbitraires, des actes de torture, et des assassinats. Ces actes sont décrits de manière très claire dans le rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la violence au Myanmar, publié en août 2021. L’envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies au Myanmar, Christine Schraner Burgener, a affirmé en octobre 2021 que la situation au Myanmar s’était transformée en état de guerre civile. À la mi-novembre, les violences liées au coup d’État ont vu plus de 1 300 civils tués par le régime, plus de 9 000 civils détenus (dont 7 400 restent en détention sans qu’aucune accusation soit portée contre eux). Plus de 189 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, tandis que 20 000 autres réfugiés ont été poussés vers les pays voisins. En résumé, la situation au Myanmar constitue une grave rupture permanente de la paix et de la sécurité internationales et une crise internationale importante qui s’aggrave.

Le Canada a soutenu les efforts internationaux de rétablissement de la paix menés par l’ANASE, incluant le consensus en cinq points de la réunion des dirigeants de l’ANASE, la feuille de route pour une résolution pacifique de la crise au Myanmar. La mise en œuvre a été lente, l’intransigeance et les retards des responsables du Tatmadaw ayant aggravé la situation. L’envoyé spécial de la présidence de l’ANASE au Myanmar est chargé de mener un dialogue inclusif avec toutes les parties intéressées à la paix; cependant, ces efforts ont été bloqués par le régime. Le 15 octobre 2021, le Canada et ses alliés ont publié une déclaration publique réaffirmant leur soutien à l’ANASE et au travail de l’envoyé spécial, et demandant au régime de s’engager véritablement sur la voie de la paix. Le même jour, les ministres des Affaires étrangères de l’ANASE ont convoqué une réunion d’urgence et ont convenu de réduire la représentation du Myanmar aux prochains sommets de haut niveau de l’ANASE et au-delà. Il s’agissait d’une mesure sans précédent de la part du bloc régional fondé sur le consensus, qui censurait ainsi le Tatmadaw.

Malgré tous les efforts, le régime reste impassible et la violence continue et s’intensifie dans tout le pays. Le coup d’État a un effet déstabilisateur sur la paix et la sécurité dans toute la région. Aggravé par l’intensification des combats entre le Tatmadaw et les organisations ethniques armées le long des frontières du Myanmar, le coup d’État a un effet de contagion au-delà des frontières du Myanmar, près de 20 000 personnes cherchant refuge dans les pays voisins. Les perspectives de retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingyas sont encore plus incertaines en raison de la persécution violente des Rohingyas par le Tatmadaw en 2017. Le coup d’État militaire menace également la paix et la sécurité régionales en ce qui concerne le crime organisé, le trafic de drogue et d’autres industries illicites. Le Tatmadaw est depuis longtemps complice des économies illégales de la drogue, du bois, des pierres précieuses et des mines de jade au Myanmar, lesquelles attirent les syndicats du crime organisé et encouragent la corruption dans toute la région. En l’absence de tout semblant de contrôle ou de responsabilité au Myanmar, ces industries et la corruption qu’elles génèrent atteignent de nouveaux sommets. La situation constitue une rupture grave et persistante de la paix et de la sécurité internationales et une aggravation d’une crise internationale importante. L’escalade de la violence, les graves violations des droits de la personne, l’impact humanitaire sur les plus vulnérables, les retombées dans les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence, et l’absence de progrès tangibles vers la paix justifient l’imposition de nouvelles mesures coercitives.

Le Canada a adopté une réponse à plusieurs volets à la crise au Myanmar. Il a refusé de légitimer le régime ou de collaborer avec ses représentants gouvernementaux, sauf sur des sujets précis dans le cadre de l’ANASE ou lorsqu’un tel dialogue est essentiel à la prestation de services essentiels aux populations vulnérables. Le Canada a fait pression sur la communauté internationale pour qu’elle porte attention à la situation, condamne le régime et prenne des mesures en conséquence, et il a demandé au régime de mettre fin à la violence, de libérer les personnes détenues arbitrairement, d’engager un dialogue sincère avec l’ANASE, et de permettre un accès humanitaire complet et sans restriction au Myanmar. À cela s’ajoutent les pressions exercées au moyen de deux séries de sanctions coordonnées avec nos alliés, parallèlement au soutien aux efforts de responsabilisation pour les crimes passés et actuels par le biais des mécanismes de justice internationale, ainsi que l’aide humanitaire et les programmes de développement pour venir en aide aux populations vulnérables et touchées par le conflit. Le Canada a utilisé les divers forums bilatéraux et multilatéraux pour attirer et maintenir l’attention sur la crise, et pour encourager les autres pays à exercer des pressions sur le régime, tout en s’efforçant de préserver les programmes de développement afin de pouvoir fournir des soins et des traitements vitaux aux populations vulnérables, y compris pour la COVID-19. Par une pression soutenue, concertée et coordonnée, combinée à des initiatives pour encourager la coopération, le Canada vise à faire en sorte que le régime change de cap et collabore avec les efforts de paix internationaux et, au bout du compte, retourne à la paix, à la démocratie, à la prospérité et à la stabilité, ce qui permettra de remédier à la grave rupture de la paix internationale que représente la situation et à la crise internationale importante qui en résulte. Le Canada est résolu à coordonner ses efforts et à faire preuve de solidarité avec ses principaux alliés pour mieux atteindre ces objectifs.

Le Canada s’est fortement engagé dans les efforts diplomatiques liés à la situation au Myanmar, par le biais de forums bilatéraux et multilatéraux afin de coordonner les mesures prises. Le 18 février 2021, des sanctions canadiennes contre 9 personnes responsables du coup d’État ont été annoncées et ceci a été suivi d’une autre annonce le 17 mai 2021 contre 16 personnes et 9 entités. Les deux séries de sanctions ont été élaborées et imposées en coordination avec le Royaume-Uni et les États-Unis.

Depuis 2007, le Canada maintient des sanctions contre des personnes et des entités du Myanmar en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (le Règlement).

Le Règlement interdit aux personnes (particuliers et entités) au Canada et aux Canadiens à l’extérieur du Canada de mener les activités suivantes avec des personnes inscrites sur la liste :

Objectifs

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (les modifications) ajoute quatre entités liées au régime à l’annexe du Règlement.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés, notamment les organisations de la société civile et les communautés culturelles, ainsi qu’avec d’autres gouvernements aux vues similaires, au sujet de l’approche du Canada en matière de mise en œuvre des sanctions.

Concernant ces modifications, des consultations publiques n’auraient pas été appropriées, puisque la communication du nom des personnes visées par les sanctions entraînerait probablement la fuite de biens avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a pas permis de déterminer d’obligations découlant de traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une zone de traité moderne.

Choix de l’instrument

Les règlements sont la seule méthode pour promulguer des sanctions au Canada. Aucun autre instrument ne pouvait être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

L’application de sanctions servira à faire pression sur le Tatmadaw pour qu’il modifie son comportement, et démontrer la volonté du Canada d’imposer des coûts réels à ceux qui s’efforcent d’entraver ou de saper les efforts internationaux visant à résoudre la crise au Myanmar. Cela démontrera en outre que ceux qui soutiennent le régime du Tatmadaw subiront des conséquences. Les sanctions communiquent un message clair que le Canada n’acceptera pas que des actions constituant une grave violation de la paix et de la sécurité internationales entraînant une grave crise internationale continuent de se dérouler au Myanmar aux mains de l’armée en toute impunité. Comme les efforts déployés à ce jour n’ont pas convaincu le Tatmadaw d’accepter la responsabilité de leurs actes, des sanctions supplémentaires envoient un message important du Canada et incitent le Tatmadaw à changer son comportement.

Les banques et institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Ils le feront en ajoutant les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Les modifications engendreront des coûts de conformité additionnels pour les entreprises demandant des permis les autorisant à effectuer des activités ou des transactions faisant l’objet d’une interdiction. Cependant, ces coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les entreprises canadiennes aient des relations avec les nouvelles personnes inscrites sur la liste.

Lentille des petites entreprises

Bien qu’il soit peu probable que les entreprises canadiennes aient des relations avec les personnes nouvellement inscrites et que les modifications entraînent une perte importante de débouchés pour les petites entreprises, Affaires mondiales Canada renforce ses activités de sensibilisation auprès des intervenants afin de mieux les informer des changements apportés aux sanctions canadiennes, afin de faciliter la conformité des petites entreprises. Il s’agit notamment de la mise à jour du site Web sur les sanctions et de la création d’une ligne d’assistance téléphonique sur les sanctions.

De plus, le 9 avril 2021, le Canada a émis un avis aux entreprises afin de s’assurer que les entreprises canadiennes, y compris les petites entreprises, sont conscientes des risques commerciaux et de réputation accrus liés à faire des affaires au Myanmar. L’avis soulignait également les attentes du gouvernement du Canada en matière de pratiques commerciales responsables à l’étranger et recommandait aux entreprises canadiennes d’exercer des diligences raisonnables nécessaires et approfondies en matière de conduite des affaires responsable, notamment en examinant de près leurs chaînes d’approvisionnement pour déterminer si leurs activités soutiennent les conglomérats militaires ou leurs sociétés affiliées.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas aux présentes modifications, car elles n’imposent pas de fardeau administratif aux entreprises.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles sont alignées avec les mesures prises par des partenaires aux vues similaires.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, un examen préliminaire a permis de conclure que l’évaluation environnementale stratégique n’est pas requise.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Les modifications sont axées sur des entités bien précises ayant des liens étroits avec l’armée du Myanmar, plutôt que sur le Myanmar dans son ensemble. Cela permet de réduire au minimum les effets collatéraux sur les personnes à charge des entités visées.

Des exceptions sont prévues dans le Règlement, notamment pour permettre la fourniture d’une aide humanitaire afin d’atténuer quelque peu les répercussions des sanctions sur les groupes vulnérables. Le ministre des Affaires étrangères peut également délivrer des permis en vertu du Décret. En tant que telles, ces nouvelles sanctions sont susceptibles d’avoir des répercussions limitées sur les citoyens du Myanmar.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Au Canada, les règlements sur les sanctions sont appliqués par la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des Services frontaliers du Canada. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, quiconque contrevient sciemment au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an, ou une combinaison des deux; ou encore, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Personne-ressource

Graham Dattels
Directeur
Asie Sud-Est, Division II
Bureau Asie du Sud-Est, Océanie, APEC et ANASE
Courriel : Graham.Dattels@international.gc.ca